Alors que le témoignage de M. Zitouni, ex-professeur du lycée Averroès, fait encore l’objet de nombreuses polémiques, d’autres enseignants de l’établissement ont souhaité s’exprimer et mettre les choses au clair. Katibîn est allé à la rencontre de Mme AFEJJAY, professeure d’histoire-géographie au lycée, qui nous fait part de ses ressentis et nous confie sa consternation.
– As salamou ‘alaykoum Mme AFEJJAY. Nous vous contactons en tant que professeure au sein d’un établissement musulman, pouvez-vous vous présenter ?
- Salam, je m’appelle Mme AFEJJAY Amel, je suis enseignante depuis 2000 et j’enseigne au lycée Averroès depuis 2005 en tant que professeure d’histoire-géographie.
– Nous avons tous entendu parler du témoignage de M. Zitouni avec stupéfaction, car la bonne réputation du lycée Averroès est connue. Qu’avez-vous, vous, en tant qu’enseignante au lycée, ressenti à la lecture de ce témoignage ?
- La lecture de la tribune de monsieur Zitouni m’a laissée sans voix dans un premier temps puisque rien ne laissait présager un tel article de la part d’un collègue qui n’a jamais rien laissé paraître de son prétendu malaise. Après la stupéfaction, une immense tristesse pour mes élèves calomniés et insultés par une caricature d’enseignant. Le mal fait au lycée est considérable, il a fait naître la suspicion et a jeté l’opprobre sur toute une communauté éducative!
– Selon vous, qu’est-ce qui a poussé M. Zitouni à réagir de la sorte ?
- Si seulement je le savais! Je ne peux qu’émettre des hypothèses, en effet peut être que M.Zitouni a des comptes à régler avec ses origines, son éducation ou que sais-je encore? Dans tous les cas, j’insiste bien sur le fait que toutes les accusations portées sont infondées et calomnieuses et suffisamment graves pour attirer l’attention des médias dans un contexte tendu suite aux événements du 7 janvier. Je pense donc que M.Zitouni avait parfaitement conscience de la tempête médiatique qu’il allait déchaîner sur le lycée.
– Avez-vous abordé le sujet en classe ? Si oui, comment ?
- Oui bien sûr, car les élèves étaient profondément choqués donc j’ai taché de les rassurer en leur rappelant qu’ils étaient entourés par des enseignants soucieux de leur réussite à la différence de M.Zitouni et que nous allions surmonter cette épreuve et en sortir plus forts. Beaucoup d’enseignants, dont moi, ont ressenti le besoin d’écrire et de témoigner notre soutien et toute notre affection à nos très chers élèves. Par ailleurs, cette triste affaire a entraîné un sentiment d’unité très fort au lycée notamment entre la direction et tous les professeurs, personnels, élèves, parents.
– Quels ont principalement été les frustrations des élèves, qu’est-ce qui les a le plus affecté ?
- Ils se sentent trahis par un enseignant qui les accuse d’être « antisémites par culture » et d’être des « perroquets bien dressés », des propos absolument abjects dans la bouche d’un professeur et qui relève de la faute professionnelle. Je vous invite à lire leurs témoignages sur leur adresse Facebook : CVL lycée Averroès. Tout comme les enseignants sont écœurés par les propos qu’il a tenu sur nous, la colère est immense mais nous essayons de garder mesure et raison.
– Le quotidien habituel a-t-il repris son cours au lycée depuis, entre les élèves et au sein du corps enseignant ?
- Oui plus ou moins pour les élèves car ce sont des adolescents qui ne réalisent pas, et heureusement d’ailleurs, toute la gravité de ce qui se passe pour l’avenir du lycée. Quant aux professeurs, c’est plus dur, c’est pourquoi nous avons demandé aux inspecteurs venus aujourd’hui une cellule d’aide psychologique pour que le rectorat réalise l’impact terrible de cette tempête médiatique.
– Vous avez donc reçu les inspecteurs aujourd’hui, se sont-ils prononcés sur le sujet ? Si oui, que disent-ils d’un point de vue pédagogique ?
- Oui aujourd’hui, mais ils ne se prononcent pas devant nous car le rapport qu’ils rédigent est réservé au recteur et à la ministre. S’ils sont objectifs ça devrait aller car M. Zitouni n’a aucune preuve de ses délires, et ses manquements professionnels sont nombreux, mais malheureusement les médias ne nous aident pas car beaucoup de journalistes veulent toucher l’UOIF à travers le lycée.
– Que pensez-vous d’accusations comme celles-ci et d’une telle situation au sein d’un établissement musulman ?
- Les accusations sont absolument abjectes, je n’ai pas de mots assez forts pour les condamner.
– En tant qu’établissement musulman, de tels mensonges et calomnies n’auraient pas dû avoir lieu. Pensez-vous que ceci puisse empiéter sur la réputation du lycée ?
- Bien évidemment, ces accusations sont injustifiées et calomnieuses, je pense que la réussite du lycée musulman ne fait pas plaisir à beaucoup de monde. Quant à la réputation du lycée, je pense que malheureusement M. Zitouni a fait beaucoup de mal en jetant le doute mais je refuse de baisser les bras tout comme mes collègues. Nous allons donc poursuivre sans relâche pour prouver que le lycée décrit -ou plutôt fantasmé- par Zitouni n’existe que dans sa tête.
– Avez-vous remarqué quelques changements inhabituels avant la démission du professeur ? Si oui, lesquels ?
- Absolument rien, il était souriant et cordial et ne manquait pas de dire qu’il était content d’être parmi nous. La trahison est totale, nous n’avons rien vu venir!
– Qu’est-ce que cette trahison va changer dans votre quotidien d’enseignante ?
- Je suis au lycée depuis ses débuts, je l’ai vu naître, grandir et s’épanouir, je vais donc continuer à œuvrer auprès de mes élèves qui méritent le meilleur n’en déplaise à ce pseudo professeur de philosophie. Je suis terriblement affectée mais c’est une épreuve que je vais affronter avec tous ceux qui œuvrent pour ce beau lycée depuis plus de dix ans.
– Vous, comment décrivez-vous l’ambiance en général au lycée ?
- Une ambiance fraternelle et chaleureuse avec des enseignants de toutes confessions et une aventure humaine absolument magnifique. Mes collègues sont devenus des amis c’est pourquoi nous faisons front.
– Un dernier mot/ conseil à donner en tant qu’enseignante aux autres enseignants et élèves en général, ou tout simplement à la communauté ?
- Un seul conseil : ouvrez des écoles musulmanes comme le font les autres communautés. Investissez dans l’éducation de vos enfants en finançant des établissements scolaires, mutualisez vos expériences, inspirez-vous de ce qui se fait ailleurs. Je suis prête à faire partager mon expérience avec grand plaisir.
– Baraka Allahu fiki, nous vous remercions grandement pour votre partage et cet éclaircissement qui semblait plus que nécessaire. Puisse Allah préserver notre communauté et lui accorder un bel avenir.