Une semaine après le début de l’offensive turque contre les positions de DAESH en Syrie, lancée le 24 juillet dernier, la Turquie a intensifié ces derniers jours ses attaques contre les rebelles du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, d’Abdellah Oçalan).
Un processus de paix qui risque de voler en éclat
Dans sa détermination à lutter contre le terrorisme, le président turc, Recep Tayyip Erdogan a clairement affirmé qu’il ne négocierait pas avec le PKK tant que ce dernier ne déposerait pas les armes.
Or, on assiste ces derniers jours à une escalade de la violence entre les forces armées turques et les rebelles kurdes. Les raids aériens massifs de ce jeudi contre les positions du PKK en Irak et les arrestations qui ont lieu à travers tout le pays à la suite d’actes terroristes du PKK ne laissent guère entrevoir d’issue favorable à la reprise des négociations. Le fragile cessez-le-feu effectif depuis 2013 qui avait permis de mettre un terme à une rébellion qui avait fait plus de 40 000 morts depuis 1984 est visiblement compromis.
Recep Tayyip Erdogan, qui avait l’ambition de régler la question kurde sur la base de la fraternité musulmane, après l’accession au pouvoir de son parti l’AKP, déclare aujourd’hui qu’« il est impossible de continuer (le processus de paix) avec ceux qui menacent l’unité nationale » .
Offensive militaire et… politique
Par les récentes attaques aériennes contre les positions de DAESH en Syrie mais aussi contre les bases du parti PKK (considéré comme organisation terroriste par le gouvernement turque et l’Union Européenne) en Turquie et en Irak, le président turc met ainsi sur un même plan les deux organisations et signifie qu’elles sont toutes deux ennemies de la Turquie.
Ces raids, que l’on peut qualifier de massifs avec une trentaine de F-16, se sont particulièrement intensifiés contre les opposants kurdes en représailles à l’attaque dans la journée de jeudi d’un convoi militaire dans le sud-est du pays où trois soldats turcs ont été tués.
Sur le plan politique également, le président turc souhaite défaire de leur immunité tous les parlementaires «affiliés avec des groupes terroristes» et les soumettre éventuellement à la justice. Ainsi une enquête est ouverte ce jeudi par les autorités judiciaires turques à l’encontre du leader pro kurde du HDP, Selahattin Demirtas, pour « troubles à l’ordre public » et « incitation à la violence » lors des manifestations d’octobre 2014 où des violences avait fait au moins 35 morts. Ce dernier a défendu que le parti le HDP « n’était pas la branche politique du PKK » et accuse le président turc de la reprise des hostilités. C’est peu de dire que les tensions entre les députés du parti HDP et AKP sont extrêmement vives au sein du parlement turc et que les accusations mutuelles n’empêchent pas à l’heure actuelle l’enlisement du conflit.
Zone de sécurité et bénédiction de la communauté internationale
La campagne militaire turque pour sécuriser la frontière Sud du pays, après l’attentat suicide de Suruç du 20 juillet qui a fait 32 morts parmi les militants de la cause kurde et revendiqué par DAESH, a pris une nouvelle tournure. En effet, le président Recep tayyip Erdogan souhaite la création d’une zone de sécurité entre la Turquie et la Syrie pour permettre aux 1,8 millions de réfugiés syriens installés en Turquie de rentrer chez eux après le « nettoyage de ces régions ».
Pourtant, cette région est déjà occupée par les Peshmergas, les combattants kurdes soutenus par les occidentaux dans leur lutte sur le terrain contre les djihadistes. Ce qui n’arrêtera pas la détermination du président Recep tayyip Erdogan à aller jusqu’au bout alors qu’il a récemment reçu l’appui de l’OTAN, par son secrétaire général Jens Stoltenberg, pour faire face à toute forme de « terrorisme » rappelant « l’instabilité aux portes de la Turquie et aux frontières de l’Otan » et que l’« autodéfense doit être proportionnée ».
Pour l’heure, les inquiétudes sont palpables au sein de la communauté kurde de Turquie face à l’ embourbement d’un conflit à l’issue très incertaine. En France, la communauté kurde a aussi manifesté son soutien au PKK, mercredi à Paris et Marseille, notamment pour dénoncer ces attaques et reprocher au président turc de se tromper d’ennemi.