L’équipe Katibîn a voulu rencontrer le CCIF afin de mieux comprendre leurs actions, leurs besoins et surtout la réalité sur le terrain. Réalité non sue de tous, voire même parfois étouffée par une société qui se veut garante de laïcité et d’égalité là (seulement là) où cela les arrange. Nous tenons à remercier le CCIF pour l’acceptation de cette entrevue et pour le temps qu’ils nous ont consacré.
Katibîn : Pouvez-vous nous faire une présentation globale du Collectif Contre l’Islamophobie en France?
CCIF : Le CCIF a été mis en place en 2003 suite aux propos de Claude Imbert éditorialiste de l’hebdomadaire Le Point, et membre du Haut Conseil à l’Intégration, sur une chaine nationale d’information continue. Celui-ci a déclaré :
« Je suis un peu islamophobe (…) l’Islam, je ne parle même pas des islamistes- apporte une certaine débilité d’archaïsme divers (…) qui en effet me rend islamophobe ».
Suite à cette déclaration prononcée dans un contexte islamophobe exacerbé par les débats sur l’opportunité d’une loi interdisant les signes religieux dans les établissements scolaires, des citoyens ont souhaité ainsi réagir face à l’installation et à la banalisation de ce sentiment xénophobe.
Au fil des années, le réseau du CCIF s’est étoffé et enrichi avec l’arrivée de sociologues et de juristes, mais également de citoyens de tous horizons désireux d’agir afin d’apporter leur pierre au combat contre l’islamophobie. Il compte à présent des antennes dans plusieurs villes de France et a gagné en 2011 une certaine reconnaissance au niveau internationale en organisant, partenariat avec l’OSCE, une formation pour mieux comprendre l’islamophobie.
Les actions du CCIF :
Le CCIF s’est donné pour mission de :
- Mettre en place un observatoire de l’Islamophobie afin de répertorier les actes, déclarations et écrits visant spécifiquement les citoyens et institutions musulman-e-s
- Constituer un réseau d’avocats et de juristes chargés de répondre aux demandes des besoins des victimes d’Islamophobie en leur fournissant une aide juridique et en les orientant pour qu’elles saisissent les juridiction compétentes
- Etudier le phénomène afin d’en comprendre les leviers, de mieux l’évaluer et de pouvoir mener des actions afin de le faire reculer
- Sensibiliser les citoyens, les membres du tissu associatif et les politiques à la question de l’islamophobie.
- Aider et soutenir les victimes d’Islamophobie.
Katibîn : Pourriez-vous nous donner une définition de l’islamophobie car aujourd’hui, beaucoup de gens ne savent plus à partir de quel moment on rentre dans ce cas de figure.
CCIF : Il s’agit de tout acte discriminatoire, propos ou agression à l’encontre d’une personne ou d’une institution (mosquée, association…) en raison de son appartenance, réelle ou supposée, à l’Islam.
Katibîn : Des exemples communs d’actes islamophobes?
CCIF : Cela peut aller du refus de soin, à l’agression verbale (menaces, insultes) ou physique en passant par toute dégradation de bien, de lieux de cultes et la profanation de cimetières. C’est également le refus de fourniture d’un bien ou d’un service. Dans tous les cas, le caractère islamophobe doit être avéré et pouvoir être justifié.
Katibîn : Si j’ai été victime d’un acte islamophobe, que dois-je faire concrètement?
CCIF : En cas de discrimination à caractère islamophobe ou d’une atteinte aux biens ou aux personnes
1 – Réunir l’ensemble des éléments qui seront nécessaires à d’éventuelles poursuites judiciaires (date et horaire des faits, circonstances exactes, identité des auteurs si connus…)
2 – Contacter le 09 54 80 25 93, afin que les juristes du CCIF puissent vous guider dans vos démarches
3 – Déposer une plainte en cas d’atteinte aux biens ou aux personnes. Dans la plupart des cas de discrimination un simple rappel à la loi peut suffire.
➡ En cas d’agression, il vous faut vous rendre aux Urgences Médico-Judiciaires (de préférence sur réquisition du commissariat ou de la gendarmerie) et faire établir une ITT (Interruption Temporaire de Travail).
En cas de dégradation ou de vandalisme sur des biens ou lieux communautaires
(Lieux de cultes, cimetières, établissements scolaires, associations…)
1 – Prévenir immédiatement le commissariat
2 – Prendre des photos
3 – Nous contacter au 09 54 80 25 93
Katibîn : Beaucoup de musulmans se posent la question suivante : » L’état français punit-il réellement, voire à égale mesure, l’islamophobie par une ou des lois, tout comme l’antisémitisme? Connaît-on le « deux poids deux mesures » dans l’application de la loi? »
CCIF : Il faut savoir que les textes de lois sont les mêmes pour tous. Il n’y a pas contrairement à l’idée répandue de loi contre l’antisémitisme. Par contre, ce qui va différer grandement, c’est le traitement politique, judiciaire et médiatique qui existera autour des affaires. Pour ce qui nous concerne, jusqu’ici nous avons gagné la majorité des procès que nous avons intentés, tout en sachant que la grande majorité des affaires que nous traitons se règle à travers la médiation de nos juristes.
Katibîn : Depuis ces dernières années, quelle a été l’évolution des déclarations d’actes islamophobes? Les Causes? Les Conséquences?
CCIF : En 2010, la progression des actes islamophobes, qu’ils visent les individus ou les institutions, s’est poursuivie, comme l’indique notre rapport 2010. Pour le premier semestre 2011, comparativement au 1er semestre 2010, nous constatons une augmentation de près de 60% du nombre d’actes islamophobes.
Les actes islamophobes augmentent dans notre pays à mesure que les discours de haine se libèrent et se banalisent. Lorsque la victime d’acte de discrimination est musulmane on en fait un coupable. C’est forcement parce qu’elle a provoqué la situation qu’elle a vécu qu’elle subit une agression. Ce serait comme dire à une femme violée qu’elle l’a été parce qu’elle avait une attitude provocante. De la même manière que l’on disculpe le violeur on veut disculper l’islamophobe.
Or, on voit avec le massacre d’Oslo (Norvège) que personne n’est à l’abri d’un acte islamophobe et que l’islamophobie est un défi majeur de notre temps qui nous concerne tous, musulmans ou non.
Katibîn : Sur quel plan et dans quel secteur les musulmans sont ils amenés à être le plus discriminés?
CCIF : Pour le premier semestre 2011, les espaces où les actes islamophobes à l’encontre des individus sont les plus nombreux sont les centres commerciaux et de loisirs. Viennent ensuite les guichets publics et les services de l’éducation nationale (écoles, universités, sorties scolaires), qui précèdent enfin le lieu de travail et la rue.
Katibîn : Quel a été l’acte déclaré qui vous a le plus marqué?
CCIF : Il est difficile de répondre à une telle question, tant les cas que nous traitons peuvent parfois être dramatiques. Nous citerons un acte violent : l’agression d’une jeune femme dans un zoo au mois d’avril. Cette agression n’avait qu’un seul motif : la jeune femme portait le voile intégral. Cette agression est d’autant plus choquante que ses agresseurs n’ont pas hésité à la molester et à la plaquer contre une grille alors que celle-ci portait son bébé de 18 mois dans ses bras…
Katibîn : Avez-vous reçu des pressions de l’état ou bien d’autres organismes non solidaires à votre combat? Des soutiens de personnalités?
CCIF : Nous ne subissons aucunes pressions directes. Cela, d’ailleurs, serait vain tant notre détermination à combattre les inégalités pour un monde plus juste est profonde.
Cependant, il existe un black out des institutions politiques et de certains médias sur notre travail. Une objective complicité existe entre les acteurs qui ne souhaitent pas que l’on révèle la réalité des discriminations et des violences que subissent les musulmans de notre pays.
Mais c’est sans compter sur la solidarité de la communauté musulmane ainsi que la confiance qu’elle nous témoigne de plus en plus pour faire avancer sa reconnaissance à vivre pleinement sa foi sans concession sur ses libertés.
Egalement nous tenons à remercier les personnalités et organisations des droits de l’homme en France ou à l’étranger qui nous soutiennent dans notre travail.
Katibîn : Comment vous aider? Peut-on rejoindre vos rangs? Si oui comment?
CCIF : Nous ne recevons aucunes subventions publiques alors que nous avons trois salariés. Nous les rémunérons grâce aux dons et cotisations de nos adhérents. C’est aussi avec cet argent que nous pouvons toujours assurer les conseils juridiques aux personnes discriminées parce qu’elles veulent simplement pratiquer librement leur foi.
Vous pouvez donc nous aider en effectuant un don à l’association via notre site internet, dons qui sont depuis cette année déductibles de vos impôts à hauteur de 66%. Vous pouvez également adhérer au CCIF (www.islamophobie.net/adhesion ), pour trente euros par an, et assister aux réunions de travail afin de mettre votre temps et vos compétences au service du CCIF.
Katibîn : Si vous deviez dire finalement quelque chose aux musulmans de France, que serait-ce?
CCIF : Ceux qui prétendent défendre la laïcité ou la nation sont en réalité les fossoyeurs de ces principes qui ont permis aux différents cultes de vivre jusqu’ici en bonne intelligence. Aujourd’hui leur propagande met en danger ces principes. Il ne faut donc pas céder un pouce de vos libertés. C’est en étant uni autour de ce combat qu’on viendra à bout des haineux et qu’on arrivera à construire la société plus juste de demain. Notre victoire, c’est leur défaite.
Propos recueillis par Katibîn le 24/08/11
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Je suis moi-même adhérente au ccif, j’ai été victime de violences verbales et physiques de la part de 3 individus dont un en particulier et parmi eux il y avait même une arabe, le comble, je peux vous dire que le ccif m’a beaucoup aidé et continue j’appelle tous les musulmans et musulmanes de France à y adhérer sans les dons ou adhésions il ne peut effectivement pas fonctionner n’ayant aucune subvention publique, c’est une équipe formidable qui donne énormément de leur temps, n’oublions pas que eux aussi ont une situation professionnelle ainsi qu’une vie familiale, alors la oumma il faut absolument être solidaire car personne d’autres ne défendra nos droits nous avons des lois il faut les faire appliquer chaque acte islamophobe doit être dénnoncé afin de ne pas laisser impuni ces politiques ainsi que les différents individus de cette société qui se croient tout permis, bonne journée salama âlaykoum
Assalamou ‘alayki ma soeur, baraka Allahou fiki pour cette intervention et ce témoignage! Tu as tout-à-fait raison, ce n’est qu’en étant actif que l’on changera les choses par la persmission d’Allah soubhanahou wa ta’ala!
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