Dans une interview sur Europe 1 Nadine Morano, députée européenne déclarait mercredi 5 août :
« On dit qu’ils quittent leur pays, qu’ils fuient la guerre. Heureusement qu’on n’a pas fait pareil en 39-45 ou en 14 ! »
Cette déclaration sur les migrants dont elle craint l’invasion est une aberration. Dans un monde qui manque de la plus basique solidarité et où il serait évidemment nécessaire de juger les mouvements migratoires à la lumière des actions du Nord sur le Sud, n’oublions pas que l’exil est une souffrance avant tout.
L’exil est avant tout une souffrance
A l’heure où les sondages et autres analyses affirment placer encore et toujours l’immigration au centre des intérêts des français, et surtout au moment même ou des centaines sinon des milliers de personnes trouvent la mort lors de périlleux voyages qui les conduiraient vers une vie meilleure, Nadine Morano nous fait part de ses analyses loin de correspondre à ce que l’on attend d’une élue, tous partis confondus. L’intelligence d’être solidaire ou à défaut la retenue pourraient être les attributs d’un représentant du peuple et personnage public.
Il semble que ce soit pas le cas ici.
Puisque la période de la Seconde Guerre Mondiale semble inspirer les déclarations de madame Morano, posons alors quelques questions.
Quand l’Europe déversait sa rage fratricide et mettait en place des camps de la mort et des méthodes guerrières expérimentés dans ce qu’elle appelait alors son « empire », quand les peuples se soumettait aux velléités bellicistes de leurs voisins ou de leurs dirigeants, les victimes du fascisme et de la guerre ne se sont elles pas alors appropriées le désir d’exil ?
Des espagnols, ou des italiens du Piémont (n’est ce pas madame Morano?) et d’ailleurs, des français du nord rejoignant par millions les zones libres du sud, n’ont ils pas fuit la misère et la peur ?
Avant, pendant et après la guerre. Depuis toujours oserai je dire.
Et le gouvernement ? Tous des résistants ? De Paris, il prit la route de Bordeaux puis d’Alger alors colonie française, d’autres ont choisit Londres. L’exil peut aussi être acte fondateur de résistance parfois.
Alors, mettre en avant la soit disant lâcheté des migrants qui quitteraient leurs pays au lieu de le défendre n’est rien d’autre que la lâcheté de ne vouloir ni les aider ni les accueillir. C’est-à-dire la lâcheté de fuir ses responsabilités dans la misère des pays du Sud.
J’ai en tête le nom d’un petit village Calabrais, « Riace », qui se fait un honneur de repeupler ses maisons vidées par l’exode rural et la pauvreté en offrant à ceux que Madame Morano traite de lâches de quoi refaire une vie ailleurs que sous les étoiles qui les ont vu naitre.
Mais remontons un peu à la source..
Quelles sont alors les contrées que ces « migrants envahisseurs » devraient défendre ?
La Libye où la France a aidé à renverser un dictateur – par ailleurs financier de campagnes diverses – en mettant à sa place le chaos? Le Mali où ce même chaos libyen s’étend avec les armes qui ont luttées contre Khadafi ? La Syrie où les âmes malades de DAESH déversent leur haine du genre humain au su et au vu d’un occident peu réactif tant le chaos (encore lui) semble favoriser ce néocolonialisme dévastateur ? L’Afrique subsaharienne où le perpétuel « pré carré » africain de la France semble lui donner des ressources intarissables au détriment des populations locales ?
La lâcheté et le courage
Fatou Diome disait dans un récent débat qui a fait le tour du Net que nous ne serons riches et prospères que tous ensemble. Sans ça, nous ne serons rien. Le monde est désormais ce village où les gens dans le besoin viennent chercher de quoi vivre, ailleurs, dans un exil forcé par le désir de survivre.
Pour le moment, et n’en déplaise à madame Morano, seules les nations européennes ont été les envahisseurs et nous n’allons revenir ici ni sur les millions de morts, ni la pauvreté, ni la misère, ni les souffrances qui ont découlés de ces invasions qui durent depuis 5OO longues années.
Donc, tous ensemble nous viserons la paix et la prospérité et le prix à payer pour nos richesses est simple : faire en sorte que les plus démunis en profitent.
Nous ne sommes rien tant que nous ne voulons pas pour nos frères ce que nous voulons pour nous même.
Pour le moment, il semblerait que ce soit pire : nous voulons pour nous même ce dont nous dépossédons les autres.
Finalement, ni aujourd’hui, ni hier, ni en 1914 ou 1939, jamais l’exil ne fut de prime abord une source de joie. C’est un départ, un déchirement, un risque ou une fuite pour sauver sa vie et imaginer ailleurs ce que l’on ne peut pas construire sur place. C’est un acte réfléchi et souffert, c’est un espoir pour soi et les siens.
C’est alors du courage plutôt que de la lâcheté.
Le même courage qui manque à ceux qui ferment leurs maisons quand le nécessiteux frappe à la porte.