Chaque été, depuis plusieurs décénnies, nos amis les oiseaux assistent à un flux migratoire des plus surprenants. Le retour au pays de centaines de milliers de Maghrébins venus de toute l’Europe les poches pleines de devises, pour visiter leurs chères familles. Ce phénomène donne alors lieu à d’étranges rituels d’un côté comme de l’autre de la Méditérranée…
Le Crésus d’Europe
Dans les années 70, le petit entrepreneur français nostalgique de son statut de colon et en mal de main d’oeuvre robuste, partait systématiquement à la ceuillette aux ouvriers arabes. L’ouvrier en question subissait ainsi, faute d’emploi sur place, déracinement et intégration sauvage dans une société qui avait besoin de lui, mais ne l’en detestait pas moins pour autant. Nous n’allons pas revenir là-dessus même si la France tend à l’oublier. Culpabilisant de gagner de l’argent, dans la souffrance il faut l’avouer et ainsi rendre hommage à nos pères, les migrants se sont vite sentis obligés de noyer leurs proches sous des monceaux de présents. Comme pour s’excuser de leur absence.
Puis, malgré les aléas de la vie, il a fallu continuer. Chaque été, il a fallu surcharger sa voiture de cadeaux à en vomir, trimbaler ledit chargement à travers le ou les pays, tout ça pour déverser cette manne sur des cousins, frères et soeurs reconnaissants et en larmes… 2 jours durant. Le troisième jour, ils partaient sans se retourner.
Aujourd’hui, les générations se succédant, le phénomène s’est certes atténué mais il a également adopté une autre ligne de conduite. La crise est là, nous la vivons, nous la subissons. Mais l’euro faisant de nous des crésus estivaux idéaux, nous continuons à sortir la liasse sous le regard envieux du cousin du bled. Alors que le reste de l’année, pour beaucoup, ce sont les pièces que nous comptons.
Le Job du maghreb
La famille restée au pays a, elle aussi, de quoi se faire du soucis au niveau du comportement. De l’oncle squatteur dans la maison que nos parents auront érigée après maints sacrifices dans la métropole, à la tante geignarde qui pleure tellement au téléphone sur son triste sort que le combiné côté français déborde, nous devons tous faire face à ces vautours aux larmes de crocodile. Ils mémorisent des codes western union en un éclair et connaissent les sigles de la CAF sur le bout des doigts.
Ces chers membres de notre famille que nous aimons malgré tout sont également de merveilleux malades imaginaires et Molière n’aurait pu rêver mieux. Tous détenteurs d’un doctorat en médecine de l’absolu, ils s’inventent symptômes et organes, et exigent médicaments et onguents. Stress et fatigue font apparemment des ravages au pays des télénovelas.
Ajoutons que les marques n’ont plus de secret pour nos proches lointains, et entre Dyson, Dior, Kitchenaid et Rado, ils ne savent plus quoi mettre sur leur liste de doléances. Et si un malheureux s’aventure à leur offrir une sous-marque c’est Hiroshima dans la casbah !
Ces comportements dénotent clairement un amour du matériel et de l’apparence qui ne devrait pas être. Il nous appartient, d’un côté comme de l’autre de la Méditérranée, de tempérer ces ardeurs. Pour les uns, il faut réapprendre à louer Dieu Tout Puissant, pour les autres, retrouver une humilité salvatrice et accepter de ne pas être riche, même le temps d’un été…